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un roi

était prête à saisir l’arçon de sa selle. Mais une remarque fit oublier toutes les autres : le premier cavalier de la neuvième file était un fort joli garçon, très-mince, que d’abord on ne reconnut pas. Bientôt un cri d’indignation chez les uns, chez d’autres le silence de l’étonnement annoncèrent une sensation générale. On reconnaissait dans ce jeune homme, montant un des chevaux normands de M. Valenod, le petit Sorel, fils du charpentier. Il n’y eut qu’un cri contre le maire, surtout parmi les libéraux. Quoi, parce que ce petit ouvrier déguisé en abbé était précepteur de ses marmots, il avait l’audace de le nommer garde d’honneur, au préjudice de messieurs tels et tels, riches fabricants ! Ces messieurs, disait une dame banquière, devraient bien faire une avanie à ce petit insolent, né dans la crotte. — Il est sournois et porte un sabre, répondait le voisin, il serait assez traître pour leur couper la figure.

Les propos de la société noble étaient plus dangereux. Les dames se demandaient si c’était du maire tout seul que provenait cette haute inconvenance. En général, on rendait justice à son mépris pour le défaut de naissance.

Pendant qu’il était l’occasion de tant de propos, Julien était le plus heureux des hommes. Naturellement hardi, il se tenait