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les affinités électives

dans les provinces, il y a plus de naturel.

Souvent, en songeant à la pauvreté du jeune précepteur, madame de Rênal était attendrie jusqu’aux larmes. Julien la surprit, un jour, pleurant tout à fait.

— Eh ! madame, vous serait-il arrivé quelque malheur !

— Non, mon ami, lui répondit-elle ; appelez les enfants, allons nous promener.

Elle prit son bras et s’appuya d’une façon qui parut singulière à Julien. C’était pour la première fois qu’elle l’avait appelé mon ami.

Vers la fin de la promenade, Julien remarqua qu’elle rougissait beaucoup. Elle ralentit le pas.

On vous aura raconté, dit-elle sans le regarder, que je suis l’unique héritière d’une tante fort riche qui habite Besançon. Elle me comble de présents… Mes fils font des progrès… si étonnants… que je voudrais vous prier d’accepter un petit présent comme marque de ma reconnaissance. Il ne s’agit que de quelques louis pour vous faire du linge. Mais… ajouta-t-elle en rougissant encore plus, et elle cessa de parler.

— Quoi, madame, dit Julien ?

— Il serait inutile, continua-t-elle en baissant la tête, de parler de ceci à mon mari.

— Je suis petit, madame, mais je ne