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toujours par fantaisie, par caprice, et jamais par raison, qu’elle faisait attention aux choses et qu’elle y attachait du prix.

Sa vie désordonnée se passait à marcher rapidement à un but qu’elle brûlait d’atteindre ou à se délecter dans une orgie. Alors même elle employait son imagination brûlante à pousser l’orgie à des excès incroyables et toujours dangereux, car, pour elle, là où il n’y avait pas de danger, il n’y avait pas de plaisir, et c’est ce qui la préserva dans le cours de sa vie non pas des sociétés criminelles, mais des sociétés abjectes : elle effrayait les âmes privées de courage.

Du reste, sa hardiesse dans l’orgie avait deux caractères différents : la société avait-elle peu d’argent, il fallait faire avec ce peu d’argent tout ce qui était humainement possible, tout ce qui serait drôle à raconter huit jours après, et vous remarquerez que les petites escroqueries commises à droite et à gauche sur les benêts, que leur mauvaise étoile jetait dans le voisinage de l’orgie, n’en gâtaient pas le récit ; au contraire elles l’embellissaient ; la société avait-elle beaucoup d’argent, c’était alors qu’il fallait faire des choses vraiment mémorables et dignes dans les âges futurs de figurer dans l’histoire de quelque nouveau Mandrin.

Comme on voit, s’amuser était chose étrangère au caractère d’Amiel, elle était trop passionnée pour cela ; passer doucement et agréablement le temps était chose presque impossible pour ce caractère, elle ne pouvait s’amuser dans le sens vulgaire du mot que lorsqu’elle était malade.

Par une suite naturelle, bizarre, de l’admiration qu’elle avait eue pour M. Mandrin, il lui semblait petit