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il fut ravi de la facilité avec laquelle Lamiel en comprenait les éléments.

Grâce à ses études et à ses réflexions de tous les instants, Lamiel était bien différente de la jeune fille qui, six semaines auparavant, avait quitté le village. Elle commençait à pouvoir donner un nom aux pensées qui l’agitaient. Elle se disait :

— Une fille qui s’enfuit de chez ses parents se conduit mal, cela est si vrai qu’elle doit toujours cacher ce qu’elle fait, et pourquoi se conduit-on mal ? pour s’amuser ; et moi, je meurs d’ennui. Je suis obligée de me raisonner pour trouver quelque chose d’aimable dans ma vie. J’ai le spectacle le soir et l’usage d’une voiture quand il pleut, et encore il faut toujours se promener dans cette allée de grands arbres le long de la Seine que je sais par cœur ; le duc dit qu’il est ignoble de se promener à travers champs.

— De qui aurions-nous l’air ? me dit-il.

— Nous aurions l’air de gens qui s’amusent. Et il me dit même avec l’air pressé de me contrarier, que ce que je dis là a quelque chose de bien commun et de mauvais ton.

Il m’ennuyait déjà assez, huit jours seulement après que Jean Berville m’eut appris, pour mon