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Cette raison fit impression, et l’éloquence de Duval, qui eut soin, matin et soir, de parler de Lamiel, prépara le jeune homme à se laisser conduire, lui qui tremblait à l’idée de faire quelque démarche ridicule qui pourrait faire anecdote contre lui. Mais enfin l’ennui était excessif au château de Miossens ; l’abbé Clément avait trop d’esprit pour hasarder des idées devant un jeune sot arrivant de Paris, et qui savait qu’il était neveu d’une femme de chambre de sa mère.

Fédor finit donc par se rendre, mais à contre-cœur, aux exhortations de son tyran Duval. Depuis trois ou quatre ans, il s’était réellement beaucoup occupé de géométrie et de chimie, et avait conservé toutes les idées de seize ans sur le ton de facilité et d’aisance avec lequel un homme de naissance devait aborder une grisette, même sût-elle l’anglais. C’étaient ces idées qui faisaient obstacle réel, et il n’osait les avouer à Duval. La parfaite effronterie de cet homme le choquait au fond ; il était timide devant le ridicule. Le jeune duc avait de la noblesse dans l’âme ; il était loin de voir que les cinq ou six louis à gagner sur l’ameublement du petit appartement à offrir à Lamiel étaient le seul mobile qui faisait agir son valet de