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toi qui as tant d’esprit, parle donc à ce jeune duc, ou bien il va croire que nous sommes de grossiers paysans.

Ces choses, et bien d’autres semblables, étaient dites à demi-voix, mais de façon à ce que Fédor les entendît fort bien. Lamiel tâchait en vain de faire comprendre à sa tante qu’il était beaucoup mieux de laisser toute sa liberté au jeune voyageur. Toutes les demandes empressées de Mme Hautemare n’échappèrent point à Fédor et toute sa mauvaise humeur, qui était grande, se fixa sur M. et Mme Hautemare. Peu à peu, il voulut bien s’apercevoir que Lamiel avait des cheveux charmants et qu’elle eût été fort jolie si l’air de la campagne n’avait un peu hâlé sa peau. Ensuite, il voulut bien découvrir qu’elle n’avait rien de l’air faux et des petites minauderies mielleuses d’une petite intrigante de campagne. Mme Hautemare montait à la tour tous les quarts d’heure pour écouter à la porte de Mme la duchesse et voir si elle était éveillée. Pendant ces courses, Fédor restait seul avec Lamiel et l’instinct de la jeunesse l’emportant à la fin sur les soucis qui lui faisaient craindre la réputation de déserteur, il regardait Lamiel avec beaucoup d’attention, et elle, de son