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rie que l’abbé ne savait comment expliquer. C’était lorsqu’une chose enseignée par l’abbé semblait en contradiction avec une des terribles maximes du docteur. Par exemple, suivant celui-ci, le monde n’était qu’une mauvaise comédie, jouée sans grâce, par des coquines sans grâce, d’infâmes menteurs ; par exemple, la duchesse ne pensait pas un mot de ce qu’elle disait et n’était attentive qu’à semer des maximes utiles aux prétentions d’une duchesse ; la bonne conduite d’une femme, par exemple, avait cela de dangereux que, forte de sa conscience et de la réalité de sa vertu, elle se permettait des imprudences dont un ennemi prudent pouvait profiter, tandis que la femme qui suivait tous ses caprices avait d’abord le plaisir de s’amuser, ce qui au monde est la seule chose réelle, disait le docteur.

— Combien de jeunes filles ne meurent pas avant vingt-trois ans ! disait-il à Lamiel, et alors à quoi bon toutes les gênes qu’elles se sont imposées depuis quinze ans, tous les plaisirs dont elles se sont privées pour gagner la bonne opinion de huit ou dix vieilles femmes formant la haute société du village ? Plusieurs de ces vieilles femmes, qui, dans leur jeunesse, ont eu la facilité de