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plaindre à la duchesse, et pourtant si cruelles que, au bout de quelques mois, tu seras trop heureuse de quitter ce château.

Ces mots furent fatals pour Lamiel ; tout son bonheur disparut à l’instant. Elle fut pénétrée d’un profond découragement en observant les physionomies de ces femmes qui entouraient la duchesse. Après trois jours seulement, Lamiel était si malheureuse qu’elle en avait perdu l’appétit. La chambre où elle couchait avait un beau tapis, mais il n’était pas permis de marcher vite sur ce tapis ; c’eût été de mauvais ton et peu respectueux pour madame. Tout devait se faire lentement et d’une façon compassée dans ce magnifique château puisqu’il avait l’honneur d’être habité par une grande dame. La cour de la duchesse était plus particulièrement composée de huit femmes dont la plus jeune avait bien cinquante ans. Le valet de chambre, Poitevin, était bien plus âgé encore, ainsi que les trois laquais, qui, seuls, avaient le privilège d’entrer dans la longue suite des pièces qui occupaient le premier étage. Il y avait un magnifique jardin composé d’allées de tilleuls et de charmilles sévèrement taillés trois fois par an. Deux jardiniers soignaient un magnifique parterre