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ches que son oncle faisait depuis trois semaines et désirait avec passion d’entrer au château. Elle avait entrevu les beaux meubles qui remplissaient les chambres, elle avait vu surtout une magnifique bibliothèque et tous les volumes dorés sur tranches qui la composaient. Elle avait oublié de remarquer que ces volumes se trouvaient dans une armoire à glace, et que la duchesse, fort méfiante, en portait la petite clef toujours attachée à sa montre.

En arrivant, pour y demeurer, dans ce beau château qui avait un toit d’ardoises, profondément sérieux et ressemblant à un éteignoir, Lamiel éprouva dans la poitrine une sensation si extraordinaire et si violente qu’elle fut obligée de s’arrêter sur les marches du perron. Son âme avait vingt ans et, pour dernier conseil, sa tante, qui l’avait accompagnée jusqu’à la porte, mais qui ne voulut pas entrer pour n’être pas obligée de remercier la duchesse, lui recommanda fort de ne jamais rire devant les femmes de chambre et de ne se prêter à aucune sorte de plaisanterie. — Autrement, ajouta Mme Hautemare, elles te mépriseront comme une paysanne et l’accableront de petites insultes, si petites, qu’il te sera impossible de t’en