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Zurla, mais malgré des efforts inouïs ne put jamais lui adresser un seul mot.

Les yeux de Clélia se remplirent de larmes en voyant passer la duchesse au milieu de ces salons peuplés alors de ce qu’il y avait de plus brillant dans la société. Que va devenir cette pauvre femme, se dit-elle, quand elle se trouvera seule dans sa voiture ? Ce serait une indiscrétion à moi de m’offrir pour l’accompagner ! je n’ose. Combien le pauvre prisonnier, assis dans quelque affreuse chambre, tête à tête avec sa petite lampe, serait consolé pourtant s’il savait qu’il est aimé à ce point ! Quelle solitude affreuse que celle dans laquelle on l’a plongé ! et nous, nous sommes ici dans ces salons si brillants ! quelle horreur ! Y aurait-il un moyen de lui faire parvenir un mot ? Grand Dieu ! ce serait trahir mon père ; sa situation est si délicate entre les deux partis ! Que devient-il s’il s’expose à la haine passionnée de la duchesse qui dispose de la volonté du premier ministre, lequel est le maître dans les trois quarts des affaires ! D’un autre côté le prince s’occupe sans cesse de ce qui se passe à la forteresse, et il n’entend pas raillerie sur ce sujet ; la peur rend cruel. Dans tous les cas, Fabrice (Clélia ne disait plus M. del Dongo) est bien autrement à plaindre !… il s’agit pour lui de bien autre