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l’entourait, soit par regret de quelque chimère absente. Longtemps on avait cru qu’elle finirait par embrasser la vie religieuse. À vingt ans on lui voyait de la répugnance à aller au bal, et si elle y suivait son père, ce n’était que par obéissance et pour ne pas nuire aux intérêts de son ambition.

Il me sera donc impossible, répétait trop souvent l’âme vulgaire du général, le ciel m’ayant donné pour fille la plus belle personne des états de notre souverain, et la plus vertueuse, d’en tirer quelque parti pour l’avancement de ma fortune ! Ma vie est trop isolée, je n’ai qu’elle au monde, et il me faut de toute nécessité une famille qui m’étaie dans le monde, et qui me donne un certain nombre de salons, où mon mérite et surtout mon aptitude au ministère soient posées comme bases inattaquables de tout raisonnement politique. Eh bien ! ma fille si belle, si sage, si pieuse, prend de l’humeur dès qu’un jeune homme bien établi à la cour entreprend de lui faire agréer ses hommages. Ce prétendant est-il éconduit, son caractère devient moins sombre, et je la vois presque gaie, jusqu’à ce qu’un autre épouseur se mette sur les rangs. Le plus bel homme de la cour, le comte Baldi, s’est présenté et à déplu ; l’homme le plus riche des états de Son Altesse, le marquis