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fille du drapier, fut dans toutes les bouches ; elle était devenue éperdument amoureuse de Fabrice. Lorsque les fameux sermons commencèrent, son mariage était arrêté avec Giacomo Rassi, fils aîné du ministre de la justice, lequel ne lui déplaisait point ; mais à peine eut-elle entendu deux fois monsignore Fabrice, qu’elle déclara qu’elle ne voulait plus se marier ; et, comme on lui demandait la cause d’un si singulier changement, elle répondit qu’il n’était pas digne d’une honnête fille d’épouser un homme en se sentant éperdument éprise d’un autre. Sa famille chercha d’abord sans succès quel pouvait être cet autre.

Mais les larmes brûlantes qu’Anetta versait au sermon mirent sur la voie de la vérité ; sa mère et ses oncles lui ayant demandé si elle aimait monsignore Fabrice, elle répondit avec hardiesse que, puisqu’on avait découvert la vérité, elle ne s’avilirait point par un mensonge ; elle ajouta que, n’ayant aucun d’espoir d’épouser l’homme qu’elle adorait, elle voulait du moins n’avoir plus les yeux offensés par la figure ridicule du contino Rassi. Ce ridicule donné au fils d’un homme que poursuivait l’envie de toute la bourgeoisie devint, en deux jours, l’entretien de toute la ville. La réponse d’Anetta Marini parut