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d’homme et de souverain était irrité du refus de sa main ; il pensait à toutes les difficultés qu’il eût eues à surmonter pour faire accepter ce mariage, et que pourtant il s’était résolu à vaincre.

Durant trois heures on se répéta de part et d’autre les mêmes arguments, souvent mêlés de mots fort vifs. Le prince s’écria :

— Vous voulez donc me faire croire, madame, que vous manquez d’honneur ? Si j’eusse hésité aussi longtemps le jour où le général Fabio Conti donnait du poison à Fabrice, vous seriez occupée aujourd’hui à lui élever un tombeau dans une des églises de Parme.

— Non pas à Parme, certes, dans ce pays d’empoisonneurs.

— Eh bien ! partez, madame la duchesse, reprit le prince avec colère, et vous emporterez mon mépris.

Comme il s’en allait, la duchesse lui dit à voix basse :

— Eh bien ! présentez-vous ici à dix heures du soir, dans le plus strict incognito, et vous ferez un marché de dupe. Vous m’aurez vue pour la dernière fois, et j’eusse consacré ma vie à vous rendre aussi heureux qu’un prince absolu peut l’être dans ce siècle de jacobins. Et songez à ce que sera votre cour quand je n’y serai