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sérieux qui parut odieux à la duchesse, vous partez ; vous allez me trahir et manquer à vos serments ! Et pourtant, si j’eusse tardé dix minutes à vous accorder la grâce de Fabrice, il était mort. Et vous me laissez malheureux ! et sans vos serments je n’eusse jamais eu le courage de vous aimer comme je fais ! Vous n’avez donc pas d’honneur !

— Réfléchissez mûrement, mon prince. Dans toute votre vie y a-t-il eu d’espace égal en bonheur aux quatre mois qui viennent de s’écouler ? Votre gloire comme souverain, et, j’ose le croire, votre bonheur comme homme aimable, ne se sont jamais élevés à ce point. Voici le traité que je vous propose : si vous daignez y consentir, je ne serai pas votre maîtresse pour un instant fugitif, et en vertu d’un serment extorqué par la peur, mais je consacrerai tous les instants de ma vie à faire votre félicité, je serai toujours ce que j’ai été depuis quatre mois, et peut-être l’amour viendra-t-il couronner l’amitié. Je ne jurerais pas du contraire.

— Eh bien ! dit le prince ravi, prenez un autre rôle, soyez plus encore, régnez à la fois sur moi et sur mes états, soyez mon premier ministre ; je vous offre un mariage tel qu’il est permis par les tristes convenances de mon rang ; nous en avons