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brodés : quel peut être ce jeune homme en habit noir si simple ? Elle le regardait profondément attentive, lorsqu’une dame, en venant se placer, fit faire un mouvement à son fauteuil. Fabrice tourna la tête : elle ne le reconnut pas, tant il était changé. D’abord elle se dit : Voilà quelqu’un qui lui ressemble, ce sera son frère aîné ; mais je ne le croyais que de quelques années plus âgé que lui, et celui-ci est un homme de quarante ans. Tout à coup elle le reconnut à un mouvement de la bouche.

Le malheureux, qu’il a souffert ! se dit-elle ; et elle baissa la tête accablée par la douleur, et non pour être fidèle à son vœu. Son cœur était bouleversé par la pitié ; qu’il était loin d’avoir cet air après neuf mois de prison ! Elle ne le regarda plus ; mais, sans tourner précisément les yeux de son côté, elle voyait tous ses mouvements.

Après le concert, elle le vit se rapprocher de la table de jeu du prince, placée à quelques pas du trône ; elle respira quand Fabrice fut ainsi fort loin d’elle.

Mais le marquis Crescenzi avait été fort piqué de voir sa femme reléguée aussi loin du trône ; toute la soirée il avait été occupé à persuader à une dame assise à trois fauteuils de la princesse, et dont le mari lui avait des obligations d’argent,