Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/379

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! général, s’écria la duchesse qui avait suivi le prince, une minute peut décider de ma vie. Un rapport faux sans doute me fait craindre le poison pour Fabrice : criez-lui, dès que vous serez à portée de la voix, de ne pas manger. S’il a touché à son repas, faites-le vomir, dites-lui que c’est moi qui le veux, employez la force s’il le faut ; dites-lui que je vous suis de bien près, et croyez-moi votre obligée pour la vie.

— Madame la duchesse, mon cheval est sellé, je passe pour savoir manier un cheval, et je cours ventre à terre, je serai à la citadelle huit minutes avant vous.

— Et moi, madame la duchesse, s’écria le prince, je vous demande quatre de ces huit minutes.

L’aide de camp avait disparu, c’était un homme qui n’avait pas d’autre mérite que celui de monter à cheval. À peine eut-il refermé la porte, que le jeune prince, qui semblait avoir du caractère, saisit la main de la duchesse.

— Daignez, madame, lui dit-il avec passion, venir avec moi à la chapelle. La duchesse, interdite pour la première fois de sa vie, le suivit sans mot dire. Le prince et elle parcoururent en courant toute la longueur de la grande galerie du palais, la chapelle se trouvant à l’autre