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d’être animée par ces mots, peignit l’embarras le plus plat ; il ne pouvait croire à un crime si épouvantable dans une ville aussi morale que Parme, et où régnait un si grand prince, etc. et encore, ces platitudes, il les disait lentement. En un mot, la duchesse trouva un homme honnête, mais faible au possible et ne pouvant se déterminer à agir. Après vingt phrases semblables interrompues par les cris d’impatience de madame Sanseverina, il tomba sur une idée excellente : le serment qu’il avait prêté comme chevalier d’honneur lui défendait de se mêler de manœuvres contre le gouvernement.

Qui pourrait se figurer l’anxiété et le désespoir de la duchesse, qui sentait que le temps volait ?

— Mais, du moins, voyez le gouverneur, dites-lui que je poursuivrai jusqu’aux enfers les assassins de Fabrice !…

Le désespoir augmentait l’éloquence naturelle de la duchesse, mais tout ce feu ne faisait qu’effrayer davantage le marquis et redoubler son irrésolution ; au bout d’une heure, il était moins disposé à agir qu’au premier moment.

Cette femme malheureuse, parvenue aux dernières limites du désespoir, et sentant bien que le gouverneur ne refuserait rien à un gendre aussi riche, alla