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exaltation, en tenant le verrou de la porte, et tournant la tête de son côté, laisse-toi mourir de faim plutôt que de toucher à quoi que ce soit. Porte ce pain toujours sur toi. Le bruit s’approchait, Fabrice la saisit à bras le corps, prit sa place auprès de la porte, et ouvrant cette porte avec fureur, il se précipita sur l’escalier de bois de six marches. Il avait à la main le petit poignard à manche d’ivoire, et fut sur le point d’en percer le gilet du général Fontana, aide de camp du prince, qui recula bien vite, en s’écriant tout effrayé : — Mais je viens vous sauver, monsieur del Dongo.

Fabrice remonta les six marches, dit dans la chambre :

Fontana vient me sauver ; puis, revenant près du général sur les marches de bois, s’expliqua froidement avec lui. Il le pria fort longuement de lui pardonner un premier mouvement de colère. — On voulait m’empoisonner ; ce dîner qui est là devant moi, est empoisonné ; j’ai eu l’esprit de ne pas y toucher, mais je vous avouerai que ce procédé m’a choqué. En vous entendant monter, j’ai cru qu’on venait m’achever à coups de dague… Monsieur le général, je vous requiers d’ordonner que personne n’entre dans ma chambre : on ôterait le poison, et notre bon prince doit tout savoir.