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hésite un peu, si Votre Altesse veut me regarder avec quelque attention, je lui dirai les réponses qu’elle doit faire. Tout fut arrangé et avec une adresse infinie. Le prince fort timide avait honte d’être timide ; les soins que se donna la duchesse pour ne pas faire souffrir cette timidité innée firent une impression profonde sur le jeune souverain.

Le jour de son début, le spectacle commença une demi-heure plus tôt qu’à l’ordinaire, et il n’y avait dans le salon, au moment où l’on passa dans la salle de spectacle, que huit ou dix femmes âgées. Ces figures-là n’imposaient guère au prince, et d’ailleurs, élevées à Munich dans les vrais principes monarchiques, elles applaudissaient toujours. Usant de son autorité comme grande maîtresse, la duchesse ferma à clef la porte par laquelle le vulgaire des courtisans entrait au spectacle. Le prince, qui avait de l’esprit littéraire et une belle figure, se tira fort bien de ses premières scènes ; il répétait avec intelligence les phrases qu’il lisait dans les yeux de la duchesse, ou qu’elle lui indiquait à demi-voix. Dans un moment où les rares spectateurs applaudissaient de toutes leurs forces, la duchesse fit un signe, la porte d’honneur fut ouverte, et la salle de spectacle occupée en un instant par toutes les