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La duchesse eut la malice de ne pas envoyer réveiller Fabrice ; elle se sentait pour le comte un accès d’admiration qui ressemblait fort à de l’amour. Toutes réflexions faites, se dit-elle, il faut que je l’épouse. Elle le lui écrivit aussitôt, et fit partir un de ses gens. Cette nuit, la duchesse n’eut pas le temps d’être malheureuse.

Le lendemain, sur le midi, elle vit une barque montée par dix rameurs et qui fendait rapidement les eaux du lac ; Fabrice et elle reconnurent bientôt un homme portant la livrée du prince de Parme ; c’était en effet un de ses courriers qui, avant de descendre à terre, cria à la duchesse : — La révolte est apaisée ! Ce courrier lui remit plusieurs lettres du comte, une lettre admirable de la princesse et une ordonnance du prince Ranuce-Ernest V, sur parchemin, qui la nommait duchesse de San Giovanni et grande maîtresse de la princesse douairière. Ce jeune prince, savant en minéralogie, et qu’elle croyait un imbécile, avait eu l’esprit de lui écrire un petit billet ; mais il y avait de l’amour à la fin. Le billet commençait ainsi :


« Le comte dit, madame la duchesse, qu’il est content de moi ; le fait est que