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hommes qui marchaient en silence et fort vite ; puis on s’arrêta, ce qui lui donna beaucoup d’inquiétude. Mais il n’avait ni la force de parler ni celle d’ouvrir les yeux ; il sentait qu’on le serrait ; tout à coup il reconnut le parfum des vêtements de la duchesse. Ce parfum le ranima ; il ouvrit les yeux ; il put prononcer les mots : Ah ! chère amie ! puis il s’évanouit de nouveau profondément.

Le fidèle Bruno, avec une escouade de gens de police dévoués au comte, était en réserve à deux cents pas ; le comte lui-même était caché dans une petite maison tout près du lieu où la duchesse attendait. Il n’eût pas hésité, s’il l’eût fallu, à mettre l’épée à la main avec quelques officiers à demi-solde, ses amis intimes ; il se regardait comme obligé de sauver la vie à Fabrice, qui lui semblait grandement exposé, et qui jadis eût eu sa grâce signée du prince, si lui Mosca n’eût eu la sottise de vouloir éviter une sottise écrite au souverain.

Depuis minuit la duchesse, entourée d’hommes armés jusqu’aux dents, errait dans un profond silence devant les remparts de la citadelle ; elle ne pouvait rester en place, elle pensait qu’elle aurait à combattre pour enlever Fabrice à des gens qui le poursuivraient. Cette imagination