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drôle de figure en présence de son seigneur et maître ; s’il était là je l’embrasserais… Mais pour rien au monde je ne me chargerais d’amuser un ministre qui a perdu son portefeuille, c’est une maladie dont on ne guérit qu’à la mort, et… qui fait mourir. Quel malheur ce serait d’être ministre jeune ! Il faut que je le lui écrive, c’est une de ces choses qu’il doit savoir officiellement avant de se brouiller avec son prince… Mais j’oubliais mes bons domestiques.

La duchesse sonna. Ses femmes étaient toujours occupées à faire des malles ; la voiture était avancée sous le portique et on la chargeait ; tous les domestiques qui n’avaient pas de travail à faire entouraient cette voiture, les larmes aux yeux. La Chekina, qui dans les grandes occasions entrait seule chez la duchesse, lui apprit tous ces détails.

— Fais-les monter, dit la duchesse ; un instant après elle passa dans la salle d’attente.

— On m’a promis, leur dit-elle, que la sentence contre mon neveu ne serait pas signée par le souverain (c’est ainsi qu’on parle en Italie) ; je suspens mon départ ; nous verrons si mes ennemis auront le crédit de faire changer cette résolution.

Après un petit silence, les domestiques