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Ces hommes avaient trouvé le moyen de remettre à Ludovic les cordes dont ils s’étaient chargés, mais Ludovic eut beaucoup de peine à obtenir un instant d’attention de Clélia. À la fin, dans un moment où elle passait d’une chambre à une autre, il lui fit voir qu’il déposait des paquets de corde dans l’angle obscur d’un des salons du premier étage. Clélia fut profondément frappée de cette circonstance étrange : aussitôt elle conçut d’atroces soupçons.

— Qui êtes-vous ? dit-elle à Ludovic.

Et, sur la réponse fort ambiguë de celui-ci, elle ajouta :

— Je devrais vous faire arrêter ; vous ou les vôtres vous avez empoisonné mon père ! Avouez à l’instant quelle est la nature du poison dont vous avez fait usage, afin que le médecin de la citadelle puisse administrer les remèdes convenables ; avouez à l’instant, ou bien, vous et vos complices, jamais vous ne sortirez de cette citadelle !

— Mademoiselle a tort de s’alarmer, répondit Ludovic, avec une grâce et une politesse parfaites ; il ne s’agit nullement de poison ; on a eu l’imprudence d’administrer au général une dose de laudanum, et il paraît que le domestique chargé de ce crime a mis dans le verre quelques gouttes de trop ; nous en aurons un remords