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— Songez à ce que vous dites, s’écria la duchesse, avec cet œil hagard qui, après les sanglots, annonce que la colère prend le dessus sur l’attendrissement.

— Il offre sa vie pour mettre obstacle au sort de Fabrice, ou pour le venger.

— Il y a telle occurrence, répliqua la duchesse, où je pourrais accepter le sacrifice de votre vie.

Elle le regardait avec une attention sévère. Un éclair de joie brilla dans son regard ; il se leva rapidement et tendit les bras vers le ciel. La duchesse alla se munir d’un papier caché dans le secret d’une grande armoire de noyer. — Lisez, dit-elle à Ferrante. C’était la donation en faveur de ses enfants, dont nous avons parlé.

Les larmes et les sanglots empêchaient Ferrante de lire la fin il tomba à genoux.

— Rendez-moi ce papier, dit la duchesse, et, devant lui, elle le brûla à la bougie.

— Il ne faut pas, ajouta-t-elle, que mon nom paraisse si vous êtes pris et exécuté, car il y va de votre tête.

— Ma joie est de mourir en nuisant au tyran, une bien plus grande joie de mourir pour vous. Cela posé et bien compris, daignez ne plus faire mention de ce détail d’argent, j’y verrais un doute injurieux.