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— Comment accordez-vous le vol avec vos principes libéraux ?

— Je tiens note des gens que je vole, et si jamais j’ai quelque chose, je leur rendrai les sommes volées. J’estime qu’un tribun du peuple tel que moi exécute un travail qui, à raison de son danger, vaut bien cent francs par mois ; ainsi je me garde bien de prendre plus de douze cents francs par an.

Je me trompe, je vole quelque petite somme au delà, car je fais face par ce moyen aux frais d’impression de mes ouvrages.

— Quels ouvrages ?

La… aura-t-elle jamais une chambre et un budget ?

— Quoi ! dit la duchesse étonnée, c’est vous, monsieur, qui êtes l’un des plus grands poëtes du siècle, le fameux Ferrante Palla !

— Fameux peut-être, mais fort malheureux, c’est sûr.

— Et un homme de votre talent, monsieur, est obligé de voler pour vivre !

— C’est peut-être pour cela que j’ai quelque talent. Jusqu’ici tous nos auteurs qui se sont fait connaître étaient des gens payés par le gouvernement ou par le culte qu’ils voulaient saper. Moi, primo, j’expose ma vie ; secundo, songez, madame, aux