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feinte innocence, voilà tout mon arsenal officiel.

— Reste le poison…

— Mais qui le donnera ? Sera-ce cet imbécile de Conti ?

— Mais, à ce qu’on dit, ce ne serait pas son coup d’essai…

— Il faudrait le mettre en colère, reprit Rassi ; et d’ailleurs, lorsqu’il expédia le capitaine, il n’avait pas trente ans, et il était amoureux et infiniment moins pusillanime que de nos jours. Sans doute, tout doit céder à la raison d’État ; mais, ainsi pris au dépourvu et à la première vue, je ne vois, pour exécuter les ordres du souverain, qu’un nommé Barbone, commis-greffier de la prison, et que le sieur del Dongo renversa d’un soufflet le jour qu’il y entra.

Une fois le prince mis à son aise, la conversation fut infinie ; il la termina en accordant à son fiscal général un délai d’un mois ; le Rassi en voulait deux. Le lendemain, il reçut une gratification secrète de mille sequins. Pendant trois jours il réfléchit ; le quatrième il revint à son raisonnement, qui lui semblait évident : le seul comte Mosca aura le cœur de me tenir parole, parce que, en me faisant baron, il ne me donne pas ce qu’il estime ; secundo, en l’avertissant, je me sauve