Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commis, répondit Rassi du plus grand sang-froid ; la chose est prescrite par la loi, elle aurait dû être faite le lendemain de l’écrou du sieur del Dongo à la citadelle. Le commis plein de zèle a cru avoir fait un oubli, et m’aura fait signer la lettre d’envoi comme une chose de forme.

— Et tu prétends me faire croire des mensonges aussi mal bâtis ? s’écria le prince furieux ; dis plutôt que tu t’es vendu à ce fripon de Mosca, et c’est pour cela qu’il t’a donné la croix. Mais parbleu, tu n’en seras pas quitte pour des coups : je te ferai mettre en jugement, je te révoquerai honteusement.

— Je vous défie de me faire mettre en jugement ! répondit Rassi avec assurance ; il savait que c’était un sûr moyen de calmer le prince : la loi est pour moi, et vous n’avez pas un second Rassi pour savoir l’éluder. Vous ne me révoquerez pas, parce qu’il est des moments où votre caractère est sévère ; vous avez soif de sang alors, mais en même temps vous tenez à conserver l’estime des Italiens raisonnables ; cette estime est un sine qua non pour votre ambition. Enfin, vous me rappellerez au premier acte de sévérité dont votre caractère vous fera un besoin, et, comme à l’ordinaire, je vous procurerai une sentence bien régulière rendue par des juges