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vie : « Je ne veux pas me sauver ! » L’homme du coup de pistolet au valet de chambre s’écria que l’ennui t’avait rendu fou. Je ne te cacherai point que nous redoutons un fort imminent danger qui peut-être fera hâter le jour de ta fuite. Pour t’annoncer ce danger, la lampe dira plusieurs fois de suite : Le feu a pris au château !

« Tu répondras :

« Mes livres sont-ils brûlés ? »

Cette lettre contenait encore cinq ou six pages de détails ; elle était écrite en caractères microscopiques sur du papier très-fin.

— Tout cela est fort beau et fort bien inventé, se dit Fabrice ; je dois une reconnaissance éternelle au comte et à la duchesse ; ils croiront peut-être que j’ai eu peur, mais je ne me sauverai point. Est-ce que jamais l’on se sauva d’un lieu où l’on est au comble du bonheur, pour aller se jeter dans un exil affreux où tout manquera, jusqu’à l’air pour respirer ? Que ferais-je au bout d’un mois que je serais à Florence ? je prendrais un déguisement pour venir rôder auprès de la porte de cette forteresse, et tâcher d’épier un regard !

Le lendemain, Fabrice eut peur ; il était à sa fenêtre, vers les onze heures, regardant