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valable contre ce pauvre marquis Crescenzi, qui a la bonté d’être amoureux de vous, de vouloir vous épouser sans dot, et de vous assigner un douaire de 30.000 livres de rente, avec lequel du moins je pourrai me loger ; vous allez me parler raisonnablement, ou, morbleu ! vous l’épousez dans deux mois !…

Un seul mot de tout ce discours avait frappé Clélia, c’était la menace d’être mise au couvent, et par conséquent éloignée de la citadelle, et au moment encore où la vie de Fabrice semblait ne tenir qu’à un fil, car il ne se passait pas de mois que le bruit de sa mort prochaine ne courût de nouveau à la ville et à la cour. Quelque raisonnement qu’elle se fît, elle ne put se déterminer à courir cette chance : Être séparée de Fabrice, et au moment où elle tremblait pour sa vie ! c’était à ses yeux le plus grand des maux, c’en était du moins le plus immédiat.

Ce n’est pas que, même en n’étant pas éloignée de Fabrice, son cœur trouvât la perspective du bonheur ; elle le croyait aimé de la duchesse, et son âme était déchirée par une jalousie mortelle. Sans cesse elle songeait aux avantages de cette femme si généralement admirée. L’extrême réserve qu’elle s’imposait envers Fabrice, le langage des signes dans lequel elle l’avait