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Clélia. Colère pour colère, j’aurais dû lui dire que je l’aimais, s’écriait-il ; car il en était arrivé à cette découverte. Non, ce n’est point par grandeur d’âme que je ne songe pas à la prison et que je fais mentir la prophétie de Blanès, tant d’honneur ne m’appartient point. Malgré moi je songe à ce regard de douce pitié que Clélia laissa tomber sur moi lorsque les gendarmes m’emmenaient du corps de garde ; ce regard a effacé toute ma vie passée. Qui m’eût dit que je trouverais des yeux si doux en un tel lieu ! et au moment où j’avais les regards salis par la physionomie de Barbone et par celle de M. le général gouverneur. Le ciel parut au milieu de ces êtres vils. Et comment faire pour ne pas aimer la beauté et chercher à la revoir ? Non, ce n’est point par grandeur d’âme que je suis indifférent à toutes les petites vexations dont la prison m’accable. L’imagination de Fabrice, parcourant rapidement toutes les possibilités, arriva à celle d’être mis en liberté. Sans doute l’amitié de la duchesse fera des miracles pour moi. Eh bien ! je ne la remercierais de la liberté que du bout des lèvres ; ces lieux ne sont point de ceux où l’on revient ! une fois hors de prison, séparés de sociétés comme nous le sommes, je ne reverrais presque jamais Clélia ! Et, dans le fait, quel mal me fait la prison ? Si Clélia daignait ne pas