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six pieds en contre-bas, de façon qu’il plongeait sur les oiseaux.

Il y avait lune ce jour-là, et au moment où Fabrice entrait dans sa prison, elle se levait majestueusement à l’horizon à droite, au-dessus de la chaîne des Alpes, vers Trévise. Il n’était que huit heures et demie du soir, et à l’autre extrémité de l’horizon, au couchant, un brillant crépuscule rouge orangé dessinait parfaitement les contours du mont Viso et des autres pics des Alpes qui remontent de Nice vers le mont Cenis et Turin ; sans songer autrement à son malheur, Fabrice fut ému et ravi par ce spectacle sublime. C’est donc dans ce monde ravissant que vit Clélia Conti ! avec son âme pensive et sérieuse, elle doit jouir de cette vue plus qu’un autre ; on est ici comme dans des montagnes solitaires à cent lieues de Parme. Ce ne fut qu’après avoir passé plus de deux heures à la fenêtre, admirant cet horizon qui parlait à son âme, et souvent aussi arrêtant sa vue sur le joli palais du gouverneur que Fabrice s’écria tout à coup : Mais ceci est-il une prison ? est-ce là ce que j’ai tant redouté ? Au lieu d’apercevoir à chaque pas des désagréments et des motifs d’aigreur, notre héros se laissait charmer par les douceurs de la prison.

Tout à coup son attention fut violem-