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Le croirais-tu, Gina ? hier soir à sept heures et demie j’arrivais à mon marronnier il avait des feuilles, de jolies petites feuilles déjà assez grandes. Je les baisai sans leur faire de mal. J’ai bêché la terre avec respect à l’entour de l’arbre chéri. Aussitôt, rempli d’un transport nouveau, j’ai traversé la montagne ; je suis arrivé à Menagio : il me fallait un passe-port pour entrer en Suisse. Le temps avait volé, il était déjà une heure du matin quand je me suis vu à la porte de Vasi. Je pensais devoir frapper longtemps pour le réveiller mais il était debout avec trois de ses amis. À mon premier mot : « Tu vas rejoindre Napoléon ! » s’est-il écrié et il m’a sauté au cou. Les autres aussi m’ont embrassé avec transport. « Pourquoi suis-je marié ! » disait l’un d’eux.

Madame Pietranera était devenue pensive ; elle crut devoir présenter quelques objections. Si Fabrice eût eu la moindre expérience, il eût bien vu que la comtesse elle-même ne croyait pas aux bonnes raisons qu’elle se hâtait de lui donner. Mais, à défaut d’expérience, il avait de la résolution ; il ne daigna pas même écouter ces raisons. La comtesse se réduisit bientôt à obtenir de lui que du moins il fît part de son projet à sa mère.

— Elle le dira à mes sœurs, et ces femmes