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écus dans notre compagnie à Parme, quand nous avons eu le malheur de vous connaître ; moi je gagnais douze écus, et nous donnions à Giletti, notre protecteur, chacune le tiers de ce qui nous revenait. Sur quoi, tous les mois à peu près, Giletti faisait un cadeau à la Marietta ; ce cadeau pouvait bien valoir deux écus.

— Vous mentez encore ; vous, vous ne receviez que quatre écus. Mais si vous êtes bonne avec la Marietta, je vous engage comme si j’étais un impresario ; tous les mois vous recevrez douze écus pour vous et vingt-deux pour elle ; mais si je lui vois les yeux rouges, je fais banqueroute.

— Vous faites le fier ; eh bien ! votre belle générosité nous ruine, répondit la vieille femme d’un ton furieux ; nous perdons l’avviamento (l’achalandage). Quand nous aurons l’énorme malheur d’être privées de la protection de Votre Excellence, nous ne serons plus connues d’aucune troupe, toutes seront au grand complet ; nous ne trouverons pas d’engagement, et par vous, nous mourrons de faim.

— Va-t’en au diable, dit Fabrice en s’en allant.

— Je n’irai pas au diable ; vilain impie ! mais tout simplement au bureau de la police, qui saura de moi que vous êtes un monsignore qui a jeté le froc aux orties,