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d’une façon bien plaisante mon illustre maître Jacques Marini de Ravenne. Plusieurs fois il m’annonça que je ferais une assez belle fortune ecclésiastique, il croyait que je serais curé de la magnifique église de Saint-Giovita, à Brescia ; j’ai été curé d’un petit village de sept cent cinquante feux ! Mais tout a été pour le mieux. J’ai vu, il n’y a pas dix ans de cela, que si j’eusse été curé à Brescia, ma destinée était d’être mis en prison sur une colline de la Moravie, au Spielberg. Demain je t’apporterai toutes sortes de mets délicats volés au grand dîner que je donne à tous les curés des environs qui viennent chanter à ma grand’messe. Je les apporterai en bas, mais ne cherche point à me voir, ne descends pour te mettre en possession de ces bonnes choses que lorsque tu m’auras entendu ressortir. Il ne faut pas que tu me revoies de jour, et le soleil se couchant demain à sept heures et vingt-sept minutes, je ne viendrai t’embrasser que vers les huit heures, et il faut que tu partes pendant que les heures se comptent encore par neuf, c’est-à-dire avant que l’horloge ait sonné dix heures. Prends garde que l’on ne te voie aux fenêtres du clocher : les gendarmes ont ton signalement et ils sont en quelque sorte sous les ordres de ton frère qui est un fameux tyran. Le marquis del