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depuis quelques mois, qu’elle était nièce du duc Sanseverina, et craignait de voir attaquer l’héritage par les grâces de la nouvelle duchesse. La Raversi n’est point une femme à mépriser, disait le comte à son amie, je la tiens pour tellement capable de tout que je me suis séparé de ma femme uniquement parce qu’elle s’obstinait à prendre pour amant le chevalier Bentivoglio, l’un des amis de la Raversi. Cette dame, grande virago aux cheveux fort noirs, remarquable par les diamants qu’elle portait dès le matin, et par le rouge dont elle couvrait ses joues, s’était déclarée d’avance l’ennemie de la duchesse, et en la recevant chez elle prit à tâche de commencer la guerre. Le duc Sanseverina, dans les lettres qu’il écrivait de ***, paraissait tellement enchanté de son ambassade, et surtout de l’espoir du grand cordon, que sa famille craignait qu’il ne laissât une partie de sa fortune à sa femme qu’il accablait de petits cadeaux. La Raversi, quoique régulièrement laide, avait pour amant le comte Baldi, le plus joli homme de la cour : en général elle réussissait à tout ce qu’elle entreprenait.

La duchesse tenait le plus grand état de maison. Le palais Sanseverina avait toujours été un des plus magnifiques de la ville de Parme, et le duc, à l’occasion