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affaires, et l’état ne faisait pas un marché de mille francs, sans qu’il y eût un souvenir pour la marquise (c’était le mot honnête à Parme). Le bruit public voulait qu’elle eût placé six millions de francs en Angleterre, mais sa fortune, à la vérité de fraîche date, ne s’élevait pas en réalité à quinze cent mille francs. C’était pour être à l’abri de ses finesses, et pour l’avoir dans sa dépendance, que le comte Mosca s’était fait ministre des finances. La seule passion de la marquise était la peur déguisée en avarice sordide : Je mourrai sur la paille, disait-elle quelquefois au prince que ce propos outrait. La duchesse remarqua que l’antichambre, resplendissante de dorures, du palais de la Balbi, était éclairée par une seule chandelle coulant sur une table de marbre précieux, et les portes de son salon étaient noircies par les doigts des laquais.

Elle m’a reçue, dit la duchesse à son ami, comme si elle eût attendu de moi une gratification de cinquante francs.

Le cours des succès de la duchesse fut un peu interrompu par la réception que lui fit la femme la plus adroite de la cour, la célèbre marquise Raversi, intrigante consommée qui se trouvait à la tête du parti opposé à celui du comte Mosca. Elle voulait le renverser, et d’autant plus