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Il était fort important toutefois d’avoir le dernier mot du baron. Les amis de la comtesse lui rappelèrent un certain chanoine Borda, jeune homme fort aimable qui jadis avait voulu lui faire la cour, et avec d’assez vilaines façons ; ne pouvant réussir, il avait dénoncé son amitié pour Limercati au général Pietranera, sur quoi il avait été chassé comme un vilain. Or, maintenant ce chanoine faisait tous les soirs la partie de tarots de la baronne Binder, et naturellement était l’ami intime du mari. La comtesse se décida à la démarche horriblement pénible d’aller voir ce chanoine ; et le lendemain matin de bonne heure, avant qu’il sortît de chez lui, elle se fit annoncer.

Lorsque le domestique unique du chanoine prononça le nom de la comtesse Pietranera, cet homme fut ému au point d’en perdre la voix ; il ne chercha point à réparer le désordre d’un négligé fort simple.

— Faites entrer et allez-vous-en, dit-il d’une voix éteinte. La comtesse entra ; Borda se jeta genoux.

— C’est dans cette position qu’un malheureux fou doit recevoir vos ordres, dit-il ; la comtesse qui ce matin-là, dans son négligé à demi-déguisement, était d’un piquant irrésistible. Le profond chagrin de l’exil de Fabrice, la violence