Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces voitures qui attendent pratique près de cette haute tour du moyen âge qui s’élève au-dessus de la porte de Milan. On partit à l’instant même sans que le cocher eût le temps de parler à personne. À un quart de lieue de la ville, on trouva un jeune chasseur de la connaissance de ces dames, et qui par complaisance, comme elles n’avaient aucun homme avec elles, voulut bien leur servir de chevalier jusqu’aux portes de Milan, où il se rendait en chassant. Tout allait bien, et ces dames faisaient la conversation la plus joyeuse avec le jeune voyageur, lorsqu’à un détour que fait la route pour tourner la charmante colline et le bois de San-Giovanni, trois gendarmes déguisés sautèrent à la bride des chevaux. — Ah ! mon mari nous a trahis ! s’écria la marquise, et elle s’évanouit. Un maréchal-des-logis qui était resté un peu en arrière s’approcha de la voiture en trébuchant, et dit d’une voix qui avait l’air de sortir du cabaret :

— Je suis fâché de la mission que j’ai à remplir, mais je vous arrête, général Fabio Conti.

Fabrice crut que le maréchal-des-logis lui faisait une mauvaise plaisanterie en l’appelant général. Tu me la paieras, se dit-il ; il regardait les gendarmes déguisés, et guettait le moment favorable pour sauter