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— Est-ce que tu te fiches de moi ? dit le soldat. Fabrice le mit en joue à six pas de distance.

— Lâche le cheval ou je te brûle !

Le soldat avait son fusil en bandoulière, il donna un tour d’épaule pour le reprendre.

— Si tu fais le plus petit mouvement tu es mort ! s’écria Fabrice en lui courant dessus.

— Eh bien donnez les cinq francs et prenez un des chevaux, dit le soldat confus, après avoir jeté un regard de regret sur la grande route où il n’y avait absolument personne. Fabrice, tenant son fusil haut de la main gauche, de la droite lui jeta trois pièces de cinq francs.

— Descends, ou tu es mort… Bride le noir et va-t’en plus loin avec les deux autres… Je te brûle si tu remues.

Le soldat obéit en rechignant. Fabrice s’approcha du cheval et passa la bride dans son bras gauche, sans perdre de vue le soldat qui s’éloignait lentement ; quand Fabrice le vit à une cinquantaine de pas, il sauta lestement sur le cheval. Il y était à peine et cherchait l’étrier de droite avec le pied, lorsqu’il entendit siffler une balle de fort près : c’était le soldat qui lui lâchait son coup de fusil. Fabrice, transporté de colère, se mit à galoper sur le soldat qui s’enfuit à toutes jambes, et