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besoin de toute sa force pour le contenir.

— Bon signe ! dit la vivandière, le monsieur n’est pas accoutumé au chatouillement du porte-manteau.

— Un cheval de général, s’écriait le soldat qui l’avait vendu, un cheval qui vaut dix napoléons comme un liard !

— Voilà vingt francs, lui dit Fabrice, qui ne se sentait pas de joie de se trouver entre les jambes un cheval qui eût du mouvement.

À ce moment, un boulet donna dans la ligne de saules, qu’il prit de biais, et Fabrice eut le curieux spectacle de toutes ces petites branches volant de côté et d’autre comme rasées par un coup de faux.

— Tiens, voilà le brutal qui s’avance, lui dit le soldat en prenant ses vingt francs. Il pouvait être deux heures.

Fabrice était encore dans l’enchantement de ce spectacle curieux, lorsqu’une troupe de généraux, suivis d’une vingtaine de hussards, traversèrent au galop un des angles de la vaste prairie au bord de laquelle il était arrêté : son cheval hennit, se cabra deux ou trois fois de suite, puis donna des coups de tête violents contre la bride qui le retenait. Hé bien, soit ! se dit Fabrice.

Le cheval laissé à lui-même partit