Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/286

Cette page n’a pas encore été corrigée

il y a une heure, avant ton dîner. Voilà le monde ; les philosophes qui n'aiment plus les femmes, charme de la vie, sont les mangeurs rassasiés qui veulent décrire les plaisirs des voyageurs affamés qui arrivent en montrant ce qu'ils sentent eux-mêmes. C'était sur des descriptions de ce genre que beaucoup de jeunes gens se faisaient moines sous l'ancien régime.

Il y a un autre défaut que j'ai eu long­temps et dont je cherche à me guérir chaque jour. Ne voyant personne chez mon grand-papa, je portai toute mon attention sur les ouvrages que je lisais : Jean-Jacques eut la préférence ! Je me figurai les hommes d'après les impressions qu'il avait reçues de ceux avec qui il avait vécu. Par là, il fit sur moi ce que les Ro­mains, dont il avait nourri sa jeunesse, avaient fait sur lui.

Etonné de ne point trouver dans le monde ces hommes parfaits (en bien comme en mal) que j'y attendais, je crus que mon malheur m'avait fait tomber dans une société d'ennuyeux et de gens froids. Lorsque j'arrivai en Italie, dans la société de Mme Petiet, mes erreurs multi­pliées ne me corrigèrent un peu qu'en me rendant mélancolique ; je croyais que je méritais un meilleur destin, et véri­tablement, comme tous les jeunes gens