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traire, de ne lui parler jamais qu'avec mon esprit, pour ne pas augmenter ce qu'il lui plaît d'appeler sa passion pour moi ; je crains bien que, sous peu, je ne sois forcé d'appliquer à cette passion le plus grand de tous les remèdes, l'absence. Il ne sera plus convenable que je la voie, dès que je ne pourrai plus la voir auprès de sa mère. Après ce fatal événement, auquel je tâche d'habituer mon esprifc,_ je vais me trouver dans une assez singulière position, solitaire dans ce Paris, où, il y a deux ans, je voyais tant de monde. C'est que je suis devenu sévère : il me semble que, tôt ou tard, on se rapproche du ni­veau de sa société, si on ne le prend pas. D'après ce principe, si je fréquente des sots, me suis-je dit, je m'abêtirai, et, lorsque je rencontrerai une femme d'es­prit capable de faire mon bonheur, je serai hors d'état d'atteindre à ce bonheur ; il faut donc ne me lier qu'avec des gens de mérite. Mais il se trouve que les gens d'es­prit se laissent aborder très difficilement ici ; ils savent qu'un sot non seulement ne sent pas un homme de mérite, mais encore le hait ; il faudrait au moins de la fortune.

On vient me voir ; adieu.