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de ses passions et de sa tête. Elle en a une si bonne que son père l'a décidément prise pour folle. Là-dessus on l'a renfermée presque comme une folle ; la pauvre petite a été poussée a bout ; elle s'est enfuie jusqu'à Moirans ; on l'a rattrapée, et elle est actuellement, je crois, en prison à la Grande-Chartreuse où elle restera tant qu'il plaira à ses parents, gens qu'elle a offensés de toutes les manières. Elle ne pourrait s'en tirer que pour se marier, et qui en voudrait ?

Voilà la vérité sur cette aventure. Tâche de te la faire raconter, et tu verras com­ment le public juge les âmes fortes. S'il les voyait telles qu'elles sont, il n'en serait que jaloux ; mais il ne les comprend pas et les croit folles.

Jamais exemple ne fut plus près de toi que cette pauvre Victorîne.

J'ai connu en Italie une femme nommée Angelina1 que j'ai aimée au delà de toute expression. Elle avait exactement ton caractère. Elle a passé sans folies le temps de la jeunesse, qu'elle a passé (2 ans du moins) enfermée dans un couvent, de force. Elle s'est enfin mariée et est, depuis 8 ans, la plus heureuse des femmes.

Songe bien que Saint-Preux est un per-

1. Angelina Ketïagrua qui devint la maîtresse de Beyle en 1811, Volt le Journal.