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tendre affliction, cette douce sympathie qui fait qu'on se dit (confusément) : elle partagera mes chagrins, elle est bonne, simple. Il n'en faut pas tant pour faire naître l'amour ; il ne cessait de parler de ta douce tournure.

Je ne voudrais pas, cependant, qu'il te rendît tendre : il ne faut pas, pour ton bonheur, que tu épouses un homme dont tu serais amoureuse ; en voici la rai­son : tout amour finit, quelque violent qu'il ait été, et le plus violent, plus promp-tement que les autres. Après l'amour, vient le dégoût ; rien de plus naturel ; alors, on se fuit pour quelque temps. Voilà qui va bien ; mais, si l'on est marié, on est obligé d'être ensemble, on est surpris de ne plus trouver que l'ennui dans mille petites choses qui faisaient le bonheur. Un jeune homme de ma connaissance aimait une jeune demoiselle : dans les petits jeux, cette demoiselle avait coutume de lui voler un mouchoir ; c'était charmant, elle l'a fait il y a quelques jours ; le jeune homme a trouvé cela du dernier bête. Ils ne se verront pas d'un an, et alors ils seront amis, ils se souviendront avec plai­sir du temps où ils s'aimaient.

Si, au contraire, ils habitaient ensemble, ils se seraient revus à chaque heure du jour ; la vanité de la femme eût été blessée,