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de Robespierre, un être abominable, qui a fait mourir sa mère de chagrin, etc., etc.

— Il était même censeur de la police de Fouché, ajoute son voisin.

Et l’auteur comique, à peine âgé de trente ans, et qui a eu le malheur de perdre sa mère en naissant, ne pouvant plus essayer d’amuser un public dont une moitié siffle le personnage de Dorante, et l’autre moitié M. Jourdain, qui lui rappelle trop la maison paternelle, en est réduit à écrire la comédie-roman, ou bien la comédie de Goldoni, celle qui s’exerce sur de bas personnages, ou enfin des romans tout court. Dans ces derniers, du moins, il n’a affaire qu’à un spectateur à la fois.

Mais la littérature perd les effets admirables de la sympathie réciproque dans un auditoire nombreux agité de la même émotion, et, de plus, tous ses chefs-d’œuvre seront illisibles en 1860.

M. l’abbé Sieyès a donc porté un trouble abominable dans les plaisirs de l’esprit, et commencé une époque de décadence. En abaissant l’aristocratie de la naissance, il a créé l’aristocratie littéraire, il faudra peut-être quarante ans avant que la descendance de M. le baron Poitou, mon voisin, comprenne les lettres de M. le président de Brosses. Ce sera peut-être comme les barbares de Totila, qui vinrent apporter une nouvelle sève à la société étiolée et appauvrie de la Rome de l’an 545. Cette Rome, pourtant, comptait des familles nobles qui avaient quatre mille livres d’or de rente, trente mille esclaves, et se croyaient les gens les plus élégants du monde, et à