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qui, une fois dans la vie, avait été forcé d’andar alla machia, c’est-à-dire de fuir dans les bois et de prendre refuge auprès des brigands à la suite de quelque action trop imprudente.

De nos jours encore tout le monde assurément redoute la rencontre des brigands ; mais subissent-ils des châtiments, chacun les plaint. C’est que ce peuple si fin, si moqueur, qui rit de tous les écrits publiés sous la censure de ses maîtres, fait sa lecture habituelle de petits poëmes qui racontent avec chaleur la vie des brigands les plus renommés. Ce qu’il trouve d’héroïque dans ces histoires ravit la fibre artiste qui vit toujours dans les basses classes, et, d’ailleurs, il est tellement las des louanges officielles données à certaines gens, que tout ce qui n’est pas officiel en ce genre va droit à son cœur. Il faut savoir que le bas peuple, en Italie souffre de certaines choses que le voyageur n’apercevrait jamais, vécût-il dix ans dans le pays. Par exemple, il y a quinze ans, avant que la sagesse des gouvernements n’eût supprimé les brigands[1],

  1. Gasparone, le dernier brigand, traita avec le gouvernement en 1826 ; il est enfermé dans la citadelle de Civita-Vecchia avec trente-deux de ses hommes. Ce fut le manque d’eau sur les sommets des Apennins, où il s’était réfugié, qui l’obligea à traiter. C’est un homme d’esprit, d’une figure assez revenante.