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sons tous : la vanité. Les rois protégèrent la vanité et avec grande raison : de là l’empire des rubans.

En Italie, un homme se distinguait par tous les genres de mérite, par les grands coups d’épée comme par les découvertes dans les anciens manuscrits : voyez Pétrarque, l’idole de son temps ; et une femme du seizième siècle aimait un homme savant en grec autant et plus qu’elle n’eût aimé un homme célèbre par la bravoure militaire. Alors on vit des passions, et non pas l’habitude de la galanterie. Voilà la grande différence entre l’Italie et la France, voilà pourquoi l’Italie a vu naître les Raphaël, les Giorgion, les Titien, les Corrège, tandis que la France produisait tous ces braves capitaines du seizième siècle, si inconnus aujourd’hui et dont chacun avait tué un si grand nombre d’ennemis.

Je demande pardon pour ces rudes vérités. Quoi qu’il en soit, les vengeances atroces et nécessaires des petits tyrans italiens du moyen âge concilièrent aux brigands le cœur des peuples. On haïssait les brigands quand ils volaient des chevaux, du blé, de l’argent, en un mot, tout ce qui leur était nécessaire pour vivre ; mais au fond le cœur des peuples était pour eux ; et les filles du village préféraient à tous les autres le jeune garçon