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dans une promenade du matin et s’était cassé un os du bras droit. Mais ses sanglots, que dès la seconde phrase elle ne fut plus maîtresse de retenir, démentaient son récit à chaque mot.

Il serait superflu de parler du désespoir de madame de Malivert ; le pauvre marquis était atterré. Madame de Bonnivet, fort touchée elle-même, et qui voulut absolument les suivre à Paris, ne pouvait lui rendre le moindre courage. Madame d’Aumale s’était échappée au premier mot de l’accident d’Octave, et galopait sur la route de la barrière de Clichy ; elle arriva rue Saint-Dominique longtemps avant la famille, apprit toute la vérité du domestique d’Octave, et disparut quand elle entendit la voiture de madame de Malivert s’arrêter à la porte.

Les chirurgiens avaient dit que dans l’état de faiblesse extrême où se trouvait le blessé, toute émotion forte devait être soigneusement évitée. Madame de Malivert passa derrière le lit de son fils de manière à le voir sans en être aperçue.

Elle se hâta de faire appeler son ami, le célèbre chirurgien Duquerrel ; le premier jour, cet homme habile augura bien des blessures d’Octave ; on espéra dans la maison. Pour Armance, elle avait été frappée dès le premier instant, et ne se fit jamais la moindre illusion. Octave, ne pouvant lui parler en présence de tant de témoins, une fois essaya de lui serrer la main.

Le cinquième jour le tétanos parut. Dans un moment où un redoublement de fièvre lui donnait des forces, Octave pria fort sérieusement M. Duquerrel de lui dire toute la vérité.

Ce chirurgien, homme d’un vrai courage et plus d’une fois atteint lui-même sur les champs de bataille par la lance du Cosaque, lui répondit : Monsieur, je ne vous cacherai pas qu’il y a du danger, mais j’ai vu plus d’un blessé dans votre état résister au tétanos. — Dans quelle proportion, reprit Octave ?