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à faire la cour à mademoiselle de Claix. Il eût fallu avoir quelque intérêt à le deviner ou plus d’habitude de la simplicité habituelle de son expression, pour voir dans sa prétendue gaieté tout ce qu’elle avait d’amer et de méprisant. On fut assez bon pour trouver du trait dans ce qu’il disait ; ses mots les plus applaudis lui semblaient à lui-même fort communs et quelquefois même entachés de grossièreté. Comme il ne s’était point arrêté ce soir-là auprès de madame de Bonnivet, quand elle passait près de lui, elle le grondait à voix basse, et Octave justifiait sa désertion par des mots qui semblaient charmants à la marquise. Elle était fort contente de l’esprit de son futur prosélyte et de l’aplomb qu’il prenait dans le monde.

Elle fit son éloge avec la bonhomie de l’innocence, si le mot bonhomie ne rougissait pas de se voir employé à l’occasion d’une femme qui avait de si belles poses dans sa bergère et des mouvements d’yeux si pittoresques en regardant le ciel. Il faut avouer que quelquefois, en regardant fixement une moulure d’or du plafond de son salon, elle parvenait à se dire : là, dans cet espace vide, dans cet air, il y a un génie qui m’écoute, magnétise mon âme et lui donne les sentiments singuliers et pour moi bien réellement imprévus que j’exprime quelquefois avec tant d’éloquence. Ce soir-là madame de Bonnivet, fort contente d’Octave et du rôle auquel son disciple pourrait s’élever un jour, disait à madame de Claix : Il ne manquait réellement au jeune vicomte que l’assurance que donne la fortune. Quand je n’aimerais pas cette excellente loi d’indemnité, parce qu’elle est si juste envers nos pauvres émigrés, je l’aimerais pour l’âme nouvelle qu’elle donne à mon cousin. Madame d’Ancre regarda madame de Claix et madame la comtesse de la Ronze ; et comme madame de Bonnivet quittait ces dames pour aller au-devant d’une jeune duchesse qui entrait : Il me semble que tout