Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, version abrégée Belin de Launay, 1876.djvu/166

Cette page n’a pas encore été corrigée

à reprendre. J’ai souvent entendu nos serviteurs discuter nos mérites respectifs. « Votre maître, disaient mes gens aux siens, votre maître est bon ; il ne vous bat jamais, car son cœur est doux ; mais le nôtre, c’est de la poudre ! »

Toujours sa douceur reste la même, rien ne le décourage. Nulle adversité, nulle souffrance ne le fait s’apitoyer sur lui et renoncer à son entreprise.

« Ne sentez-vous pas le besoin de repos ? lui demandai-je le lendemain de mon arrivée ; le besoin de retrouver ceux qui vous aiment ? Voilà six ans que vous avez quitté l’Europe. »

Sa réponse le peint tout entier.

« Oui, me dit-il, je serais bien heureux de revoir mon pays, d’embrasser mes enfants ; mais, abandonner ma tâche au moment où elle va finir, je ne le peux pas. Il ne me faut plus que cinq ou six mois pour rattacher à la rivière de Petherick, ou au lac Albert découvert par Baker, la source que j’ai trouvée. À quoi bon partir aujourd’hui pour revenir plus tard achever ce qui peut l’être maintenant ?

– Pourquoi, alors, n’avez-vous pas fini tout de suite, quand vous étiez si près du but ?

– Parce que j’y ai été contraint. Mes hommes ne voulaient plus avancer. Dans le cas où je persisterais à ne pas revenir, ils avaient résolu de soulever le pays et de profiter de la révolte pour me quitter. Ma mort dans ce cas-là était certaine. Ce fut un grand malheur pour moi. J’avais reconnu près de mille kilomètres de la ligne de faîte, suivi les principaux cours d’eau qui se déchargent dans le lit central, et je n’avais